Thomas Garnett, la Lodge of Lights, et les Lumières radicales

Thomas Garnett
At the moment I am having a number of my works translated into various languages; A Journey Through Freemasonry was translated into Spanish by Darren Lorente-Bull, A Quick Guide to Freemasonry is being translated into Albanian by Mevi Rafuna, and my first book Genesis of Freemasonry is being translated into French by Thierry R Bachmann. Here is an example of Thierry’s translation work on my recent paper on Thomas Garnett, which was originally published in the Philalethes – The Journal of Masonic Research & Letters.
Thomas Garnett, la Lodge of Lights, et les Lumières radicales
concernant un astronome maçonnique du 18ème siècle
Dr David HARRISON F.P.S.
Publié dans
“Philalethes – The Journal of Masonic Research & Letters
Volume 72 N°4 Hiver 2019
pages 147-151″
Traduction de l’article par Thierry R. BACHMANN
Il y a un certain nombre de références à l’astronomie dans le Rituel maçonnique anglais; les corps célestes tels que le soleil et la lune sont présentés, l’étoile brillante du matin est mentionnée, les globes terrestres sont situés sur les deux piliers et bien sûr, la Terre tournant sur son axe autour du Soleil est mentionnée pour nous rappeler les éléments de la philosophie naturelle au sein du rituel. Les sept arts et sciences libéraux ont l’astronomie comme septième art, qui présente au franc-maçon un sujet pour une étude ultérieure possible durant sa carrière maçonnique. C’est peut-être dans cet esprit qu’une conférence a été donnée à la Lodge of Lights, une loge située à Warrington, Lancashire, au nord de L’Angleterre, sur le sujet de l’astronomie, en décembre 1800 par le Vénérable Maître John Evans, la conférence étant enregistrée dans le plus ancien livre des comptes rendus de la loge ayant survécu [1].
Cependant, cette conférence peut avoir été inspirée par une conférence antérieure ; la première référence à une conférence en loge sur l’astronomie a été mentionnée en octobre 1796 et a été donnée par un non-membre de la loge, le procès-verbal indiquant que:
En conséquence d’une demande faite au frère Thomas Garnett professeur de physique et de philosophie de L’Université de Glasgow, qu’il donne aux membres de la Loge de Warrington une conférence sur l’astronomie, qu’il honorera…[2]
Le Dr Garnett a effectivement donné la conférence et est dûment énuméré dans le procès-verbal, mais ce qu’il a abordé exactement n’est malheureusement pas enregistré. Nous pouvons cependant rassembler certaines de ses idées sur le sujet à partir de ses diverses conférences qui ont été publiées, en particulier dans ses conférences posthumes Popular Lectures on Zoonomia et Lecture on the Preservation of Health, qui a été dédié à son compagnon franc-maçon et philosophe naturel Erasmus Darwin. En effet, comme nous le verrons, le Dr Garnett était un fervent exposant de la Philosophie Naturelle Expérimentale Newtonienne et un promoteur de l’éducation à travers ses conférences publiées. Garnett est devenu le premier professeur de Philosophie Naturelle au nouveau Anderson’s Institute à Glasgow en novembre 1796 et, à ce titre, est un contributeur remarqué aux Lumières écossaises [3]. L’Institut était l’invention de John Anderson, qui avait lui-même été professeur de Philosophie Naturelle à l’Université de Glasgow, et comme indiqué dans son Testament, des fonds ont été donnés pour établir une deuxième Université à Glasgow pour ” l’”apprentissage utile” et l ” amélioration de la science.” Les conférences de Garnett sont devenues populaires auprès des femmes, Anderson ayant reconnu que les cours académiques sur la philosophie naturelle devraient également être ouverts aux femmes [4].
En effet, le travail de conférence de Garnett et sa réputation peuvent certainement être vus par le vif intérêt qu’ont montré les membres de la loge de Warrington, qui sont venus l’entendre sur l’astronomie.
Cet intérêt pour la tenue de conférences, au sein de la loge, se reflète par la manière dont certains anciens membres, tels que Johann Reihnold Forster et Jacob Bright avaient été tuteurs à la Dissenting Academy (Académie dissidente) locale, un centre progressiste indépendant pour la pensée radicale et l’éducation, qui avait fermé dix ans avant la conférence de Garnett auprès de la loge en 1786 [5]. L’un des fondateurs de la Lodge of Lights, le maître d’école local, Benjamin Yoxhall, avait également été l’un des fondateurs de la Warrington Circulating Library (Librairie itinérante de Warrington) en 1760, qui aidait également la culture de l’éducation dans la ville [6]. Certes, l’esprit de l’éducation au sein de la franc-maçonnerie peut clairement être vu par des conférences en Philosophie Naturelle qui ont eu lieu dans certaines loges telles que les conférences susmentionnées sur l’astronomie tenues à Lodge Of Lights à Warrington et à Old King’s Arms Lodge à Londres, qui a tenu des conférences allant de la Philosophie Naturelle à l’architecture, y compris une conférence sur les travaux de Palladio et une conférence assistée par l’utilisation du microscope. Un autre exemple de conférences qui se déroule dans le contexte de la franc-maçonnerie peut être vu avec la Royal Lodge of Faith and Friendship basée à Berkeley, Gloucestershire, où le philosophe naturel Edward Jenner a organisé une” Loge de Science ” qui demandait aux membres de la loge de produire un article sur un sujet scientifique particulier [7].
Thomas Garnett est né à Casterton dans le Westmorland, une ville près de Kirkby Lonsdale, en 1766, et à l’âge de quinze ans, il a été apprenti auprès du célèbre chirurgien John Dawson qui résidait à Sedbergh dans le Yorkshire. En plus d’être un chirurgien de premier plan, Dawson était aussi un mathématicien notable qui a touché à l’astronomie, étudiant l’orbite de la Lune, corrigeant les erreurs de calcul de la distance entre la terre et le soleil, et la dynamique des objets dans les champs de force centraux. Se faisant une réputation de correcteur d’erreurs, Dawson argumentant contre The Doctrine of Philosophical Necessity de Joseph Priestley et confirmant une erreur dans les calculs de précision de Newton, Dawson eut l’honneur d’être élu membre correspondant à la Manchester Literary and Philosophical Society, fondée par un ancien étudiant de la Warrington Academy, le chirurgien Thomas Percival.
Garnett étudie ensuite à l’Université d’Édimbourg en 1785, obtient son diplôme en 1788, puis se rend à Londres pour compléter sa formation médicale. Il est peut-être devenu franc-maçon en Écosse, car il n’y a aucune référence de lui en tant que membre de la Grande Loge Unie d’Angleterre et comme il a été appelé “frère” dans les comptes rendus de Lodge of Lights et a présenté sa conférence en loge ouverte, son appartenance était connue et acceptée comme régulière. Garnett a ensuite déménagé à Bradford où il a pratiqué pendant un certain temps, puis il s’est installé à Harrogate pendant un certain temps, publiant la première analyse scientifique des eaux là-bas et ayant une maison construite pour lui par Lord Rosslyn [8].
Malgré cette phase apparemment réussie de sa carrière, Garnett n’était pas satisfait et partit pour Liverpool avec sa nouvelle femme épousée en 1795, avec l’idée de partir pour l’Amérique. Ce fut alors à Liverpool que Garnett a eu l’occasion de donner des conférences sur la philosophie naturelle, le conduisant à Manchester et Warrington, où il a donné la conférence sur l’astronomie pour Lodge of Lights en octobre 1796.
Dans le travail de Garnett A Tour Through the Highlands of Scotland, il indique que l’astronomie a été incluse dans ses conférences à l’Anderson’s Institution, déclarant que “la dernière partie du cours se compose d’astronomie physique, qui est composé de dix ou douze conférences seulement….” [9] et dans sa biographie présentée au début de ses Popular Lectures on Zoonomia, nous apprenons qu’“après cette période [début 1796], le Dr Garnett répéta presque la même suite de conférences à Warrington et à Lancaster; deux lieux où il fut suivi avec le même succès.” [10] Nous sommes également informés qu’« il a commencé ses conférences à Glasgow en novembre 1796. » [11] Ainsi, sa conférence à la Lodge of Lights en octobre (alors appelée Lodge de Warrington) était peut-être l’un de ses derniers engagements avant de voyager vers le nord à Glasgow pour commencer la prochaine partie importante de sa carrière. En effet, ses cours ont couvert une grande variété de sujets tels que la chimie, la minéralogie, l’analyse des eaux minérales, l’agriculture et les principes de l’électricité et du magnétisme. [12]
Certaines parties de ses conférences publiées, tel que sa Lecture on the Preservation of Health affichent les idées fondamentales de la philosophie naturelle expérimentale newtonienne, et peuvent être appliquées à la base même de la physique, ainsi un langage similaire pourrait être exprimé pour décrire l’astronomie; des mots tels que « excitabilité », « gravité », les lois d’« attraction magnétique », et une mention de Newton lui-même indiquent que Garnett avait une compréhension ferme de la pensée scientifique moderne, appliquant les principes de la philosophie naturelle newtonienne à tous les aspects de la pensée rationnelle. En effet, la réputation de Garnett a été dûment reconnue, lorsqu’il devint membre de la Royal Medical, Physical, and Natural History Societies of Edinburgh; la Literary and Philosophical Society of Manchester; La Medical Society of London; la Royal Irish Academy; et professeur de philosophie naturelle et de chimie à la Royal Institution of Great Britain.
Un exemple de la présentation de Garnett des idées sur la philosophie naturelle, dont une partie aurait pu facilement être appliquée à sa conférence sur l’astronomie, peut être vu depuis cette petite section de sa Lecture on the Preservation of Health:
Bien que nous ne sachions pas exactement en quoi consiste cette propriété ni de quelle manière elle est exercée, nous voyons cependant que lorsque les corps en sont possédés, ils deviennent capables d’être exercés par des puissances extérieures, et ainsi les fonctions vivantes sont produites; nous appellerons donc cette propriété excitabilité, et en utilisant ce terme il est nécessaire de mentionner, que je veux seulement exprimer un fait, sans la moindre intention de souligner la nature de cette propriété qui distingue le vivant de la matière morte, et en cela nous avons l’exemple du grand Newton, qui a appelé la propriété qui amène les corps dans certaines situations à s’approcher les un des autres, gravité, sans pour autant faire allusion à sa nature; pourtant, bien qu’il ne savait pas ce qu’était la gravité, il a étudié les lois par lesquelles les corps ont été activés par elle, de la même manière, bien que nous ignorions l’excitabilité, ou la nature de cette propriété qui distingue le vivant de la matière morte, nous pouvons étudier les lois par lesquelles la matière morte agit sur les corps vivants par ce moyen. Nous ne savons pas ce qu’est l’attraction magnétique, et pourtant nous pouvons étudier ses lois; il en va de même en ce qui concerne l’électricité; si jamais nous devions atteindre une connaissance de la nature de cette propriété, elle ne modifierait pas les lois que nous avions découvertes auparavant. [13]
Les connaissances de Garnett s’étendent profondément dans les œuvres de Benjamin Franklin et Joseph Priestley, et s’inspirent certainement des travaux d’Erasmus Darwin.
Pendant son temps à l’Anderson’s Institute, à Glasgow, Garnett est devenu une figure de premier plan dans les conférences de philosophie naturelle et en fait, une figure de premier plan des Lumières écossaises. Les Lumières écossaises comprenaient des sommités maçonniques telles que James Boswell, Robert Burns, James Hogg, Sir Walter Scott, Erasmus Darwin et James Watt. Le milieu social intellectuel s’est également concentré sur la Select Society et le Poker Club dans Édimbourg, avec des discussions et la lecture de nouveaux livres, qui ont aidé aux idées révolutionnaires sur la science, la médecine, la philosophie, l’ingénierie, la littérature et, bien sûr, le savoir. John Anderson avait été la principale lumière de l’éducation scientifique en Écosse, inspirant James Watt pour sa conception de la puissance vapeur et était également un ami de Benjamin Franklin. Dans ce mélange culturel, Garnett trouva un foyer pour un certain nombre d’années, ses conférences devenant populaires et influentes.
Cependant, à la suite de la mort de sa femme alors qu’elle donnait naissance à leur fille Catherine Grace en décembre 1798, Garnett quitta Glasgow pour occuper le poste de professeur de philosophie naturelle et de chimie à la nouvelle Royal Institution à Londres. Pendant ce temps, Garnett participa à la fondation d’une Revue philosophique, Annals of Philosophy, qui fut annoncée après qu’il eut démissionné de son poste à la Royal Institution en juin 1801. Le travail a été décrit par Garnett comme « une vue générale et concise des découvertes scientifiques de l’année… et qui, placé dans une bibliothèque, servira d’index. » Avec sa démission, les annales, qui devaient être continuellement publiées chaque année, semblaient faire partie d’un plan entreprenant pour annoncer ses propres conférences tout en reprenant sa pratique médicale à Londres [14], mais il mourut de la fièvre typhoïde alors qu’il travaillait comme physicien au dispensaire de Marylebone en juin 1802.
L’héritage de Garnett était opulent et inspira beaucoup ; l’un de ceux influencés par Garnett était George Birkbeck, qui l’avait remplacé comme professeur de philosophie naturelle à l’Anderson’s Institute, basant ses conférences sur le format de Garnett. Birkbeck a également tenu des conférences publiques, qui a finalement conduit au premier Mechanics Institute à Glasgow. [15]
En tant que premier à être professeur de philosophie naturelle à l’Anderson’s Institute, Garnett a en effet créé un précédent. La fille de Garnett était la poète romantique Catherine Grace Godwin, qui a été élevée près de Kirkby Lonsdale dans Westmorland. Catherine correspond et rencontre William Wordsworth, lui consacrant son œuvre The Wanderer’s Legacy and Other Poems lors de sa publication en 1828. Elle reste respectée en tant qu’écrivaine féminine de l’époque. Ce sont ses conférences dont Garnett se souvient encore; son travail à l’Anderson’s Institute qui était également ouvert aux femmes, sa contribution aux Lumières écossaises, ses publications et, bien entendu, son travail dans le nord de l’Angleterre, la conférence à Lodge Of Lights n’étant qu’un moment de sa brève, mais très importante carrière.
[1] Minute book No 1 de Lodge of Lights No 148, Decembre, 1800. Non répertorié. Warrington Masonic Hall.
[2] Minute book No 1 of the Lodge of Lights No 148, October 1796. Non répertorié. Warrington Masonic Hall.
Le nom de la Lodge of Lights a été donné à la loge en question en 1806, et avant cela, la loge était appelée la Loge de Warrington
[3] Anderson’s Institute devint plus tard L’Université de Strathclyde.
[4] Voir Paul Wood, “Science in the Scottish Enlightenment,” dans Alexander Broadie (ed.), The Cambridge Companion to the Scottish Enlightenment (Cambridge: Cambridge University Press, 2003), 94–116.
[5] Voir David Harrison, “The Warrington Academy and Freemasonry; Education, Charity and Self-help in Warrington during the Eighteenth Century,” Ars Quatuor Coronatorum 130 (2017): 77–106.
[6]W.B. Stephens, Adult Education and Society in an Industrial Town: Warrington 1800–1900 (Exeter: University of Exeter, 1980), 26.
[7] Voir David Harrison, The Genesis of Freemasonry (Hersham, UK: Lewis Masonic, 2009), 124–25.
[8] Voir Thomas Garnett, A Treatise on the Mineral Waters of Harrogate (London: J. Johnson, 1792).
[9] Thomas Garnett, Observations sur A Tour Through the Highlands and part of the Western Isles of Scotland (London: John Stockdale, 1811), 2:198.
[10]Thomas Garnett, Popular Lectures on Zoonomia or The Laws of Animal Life, in Health and Disease (London: W. Savage, 1804).
[11] Ibid.
[12] Garnett, Observations, 2:198–99.
[13] Thomas Garnett, A Lecture on the Preservation of Health, (London: W. Davies, 1800).
[14] Voir Bernard Lightman, Gordon McOuat et Larry Stewart (eds.), The Circulation of Knowledge Between Britain, India and China: The Early-Modern World to the Twentieth Century (Leiden: Brill, 2013), 142–45.
[15] Gerald Newman (ed.), Britain in the Hanoverian Age, 1714–1837: An Encyclopaedia (London: Routledge, 1997), 17.